lundi 29 octobre 2012

Citation

« Vieillir c'est se rendre soudain aux funérailles de ceux qui auraient pu assister aux nôtres. »
Patrice Delbourg, Les chagrins de l'Arsenal.

On se demande bien la raison de ce « soudain ».

Les chagrins de l'Arsenal

Exercice de détestation littéraire signé Timothée Flandrin :
« Pêle-mêle, il disposait dans une cantinière métallique Simone de Beauvoir, la chabraque en bastille d'organdi, dont l'oeuvre est aussi sexy qu'un derrière d'autobus; la divette Colette et ses voluptés émétiques à se taper le berlingot dans la chapelure; Violette Leduc, la batarde des retraités sourdingues; George Sand, qui avait suffisamment passé sous les fourches caudines de ses contemporains. Inutile de s'acharner sur la civière. Il suffisait de ramasser les débris et d'en soulager le paysage au dépôt de la voirie. Louise de Vilmorin avait mis au jour tant de navets juteux de haute graisse qu'elle pourrait inaugurer un potager.

» Il constatait une fine pellicule de poussière sur les volumes de l'intégrale de Marguerite Yourcenar, flétrie jusqu'au jabot. Cette désaffection le remplissait d'aise. Depuis plusieurs mandats présidentiels, personne n'avait jugé bon de poser la main sur cette purge de la rétine toujours très en vogue chez les universitaires féministes anglo-saxonnes. Grand bien leur fasse ! La bonne matrone du mont Noir manie une langue si amidonnée que son petit linge de confort tient tout seul. »

mercredi 24 octobre 2012

Pas bon, pas pantoute

Ce n'est pas sans scrupule que je n'ai publié mon commentaire de l'essai de François Bon, Après le livre.

C'est qu'il est très intéressant cet essai, lequel, en plus de m'en apprendre beaucoup sur l'histoire du livre et de dévoiler un possible futur où le livre aura changé de support et de présentation -- il a déjà beaucoup évolué depuis le rouleau de papyrus et la tablette d'argile, et pourtant : ne fait-on pas comme autrefois défiler le texte sur la tablette électronique comme si on le déroulait ? m'aura donné le plaisir un peu coupable de la traque à la coquille et à la grammaire baroque.  

Voilà une phrase bien longue, merci de ta patience, ô lecteur.

Qui aime bien châtie bien ?

Quoiqu'il en soit, la lecture de son Autobiographie des objets -- fort bien reçue par ailleurs -- m'aura très rapidement exaspéré, et pourtant je sais être patient, donnant toujours -- la plupart du temps -- sa chance au scribe.

Le contraste aura été trop grand entre le lumineux, bien que très dur, Home de Toni Morrison.

mardi 23 octobre 2012

L'étranger - Home

« Les plus grands livres ne sont pas les plus épais ».

L'incipit de l'émission du dimanche 21 octobre du Gai savoir (France Culture) portant sur L'étranger d'Albert Camus s'applique tout à fait au bref roman de Toni Morrison, Home.

Le plus extraordinaire est d'entendre la voix de Camus lire son roman. Normalement, je copie ici le lien qui permet de lancer la lecture, mais celui-ci est fautif, il vous faudra donc vous rendre sur la page de l'émission puis lancer la lecture. Bonne écoute.


lundi 22 octobre 2012

Home

J'ai rarement lu un roman aussi puissant que Home de Toni Morrison. J'en demeure plein d'effroi : les États-Unis il y a un demi-siècle ? Et contrairement aux obscénités délirantes telles Les bienveillantes -- pour moi, ce livre constitue une des grandes impostures littéraires des dernières années -- l'horreur sourd de la sobriété même de la phrase. Et une bonne traduction.

dimanche 14 octobre 2012

Dimanche 14 octobre

Dîner hier soir, au bistrot Leméac, avec C***, un ancien collègue du ministère, et avec qui je suis demeuré lié d'une belle amitié intellectuelle. Il s'y ennuie fort, et la retraite n'est pas pour demain. Tout cela est, heureusement, bien loin déjà pour moi.

Bon vin d'Arbois, comme chez Brel.

Question du blog, il me suggère de revenir sur ma récente épiphanie littéraire, ou comment je suis passé de Flaubert à Stendhal.

Vu l'entrevue de Modiano : il me fascine (sens fort du terme), une sorte d'hypnose.

vendredi 12 octobre 2012

Snakeskins

Benoît LACHAMBRE, Snakeskins, Usine C, 10-12 octobre 2012.

On entend souvent, dans la langue d'ici, dire, avec un accent appuyé sur la première syllabe, au récit d'un fait désagréable : « L'enfer ». Ou encore, dans d'autres milieux : « C'est mon idée de la mort ». Je suis, ce soir, allé au delà de cette limite : j'ai espéré être mort

J'ai espéré être mort, là, dans la rangée C, au siège 15, ce soir, vendredi 12 octobre 2012. J'ai espéré être mort après dix minutes, après vingt minutes, après trente minutes de cette représentation d'une durée annoncée d'une heure qui a duré quatre-vingt-dix minutes. Je n'ai pas vécu mille mort, mais j'ai souhaité être mort au moins quatre-vingt dix fois. Mort plutôt que de continuer à être là.

Non seulement ne suis-je pas mort, mais j'aurai à porter longtemps la honte de ma lâcheté de n'être pas sorti, de n'avoir pas fui. Pas mort, et la honte. Cruel destin.

Stendhal, par l'intermédiaire de Thierry Laget et ses Portraits de Stendhal, est venu m'apporter quelque consolation :
« A-t-on conscience, emporté par le flux des jours, du moment où l'on bascule des premières aux dernières fois... »
Pour moi, ce soir, vendredi 12 octobre 2012, j'aurai vécu ce basculement : j'aurai assisté à ma dernière représentation de danse contemporaine. Plus de fontaine, plus de tonneau.

Le chorégraphe affirme :
« C’est un travail très organique que j’aime énormément vivre et faire, assure le fondateur de la compagnie Par B.L.eux. Mais il y a quand même des moments difficiles qui génèrent un certain stress: celui de la peur du changement qu’il faut laisser aller. Car il faut bien mourir à quelque chose pour devenir (je souligne). »
Mort, je suis, à la danse. Je deviens.

On me traitera d'Alceste, je persisterai et signerai.


mercredi 10 octobre 2012

Les femmes savantes






Beaucoup de plaisir à cette représentation, en dépit d'une sonorisation démente : les comédiens ne savent-ils plus projeter ? Le TNM n'est pourtant pas une salle si vaste... Ainsi qu'à la relecture de la pièce, avant et après...

D'ailleurs, il y a un parallèle à faire entre cette pièce et le roman que je lis, Les chagrins de l'Arsenal de Patrice Delbourg.


Sisyphe

Soirée médiocre au bridge hier soir.

Nenni : je fus médiocre hier soir -- distraction, enchères erronées, jeu de la carte fautif. Une catastrophe. Pis, j'ai, une bonne partie de la nuit, rejoué en songe la plupart des mains.

Mon bridge de Sisyphe.

Complexité

J'ai l'impression, souvent, que ma vie se compose de longues phrases complexes. Et si j'écrivais ?