dimanche 25 novembre 2012

Quand ceux qui vont

Barbara, quinze ans déjà. Beaucoup de radios, d'articles; un disque de Daphné, aujourd'hui comme hier.
Lui, l'homme au téléphone, l'aimait tant, si intensément, lui aussi « en allé ». Pensées pour elle, pensées pour lui. La mémoire est vive, le souvenir doux et cruel.


mercredi 21 novembre 2012

L’argent et le reste - La Vie des idées

Michael SANDEL, What money can’t buy. The moral limits of market, Farrar, Straus and Giroux, New York, 2012 (244 p.)

 L’argent et le reste - La Vie des idées

Livre recensé par Mathilde UNGER :
« Tout n’est pas à vendre. Et pourtant, il semble que les lois du marché, peu à peu, envahissent des domaines qui jusque-là leur étaient interdits : l’amitié, la justice, la maladie, l’amour même. Michael Sandel souligne ces dérives et s’interroge sur les moyens de se préserver de l’effet corrosif de l’argent. »





lundi 19 novembre 2012

Ridicule

Eut-il été mortel, comme la sagesse populaire le prétend du ridicule, j'eusse été foudroyé hier, au bridge, quand entre deux donnes, voulant atténuer, par un peu d'auto-dérision, l'effet d'une blague faite aux dépens de mon partenaire, j'ai lancé un « Suis-je assez taquin ? » enchaînant aussitôt, citant in petto la duchesse de Guermantes à propos de Monsieur de Charlus, « d'ailleurs on me surnomme Taquin le Superbe. », lequel est tombé à plat sur la table de jeu. Usons d'une comparaison sportive, ma double allusion, latine et proustienne, aura produit autant d'effet que le ratage en plein vol d'un savante figure de patinage artistique. L'audience était pourtant composée de quadras et quinquas qui devaient bien avoir quelques reliefs de latin et un peu de lettres.

Devrais-je rejoindre le sanglant cortège des flagellants du « il n'y a plus de culture » ? Las. Le pire aura été d'avoir à tout expliquer.

Chute bien plus cruelle que la mienne à la donne suivante.

« La princesse d’Épinay, qui aimait sa cousine [la duchesse de Guermantes] et savait qu’elle avait un faible pour les compliments, s’extasiait sur son chapeau, son ombrelle, son esprit. « Parlez-lui de sa toilette tant que vous voudrez », disait le duc du ton bourru qu’il avait adopté et qu’il tempérait d’un malicieux sourire pour qu’on ne prit pas son mécontentement au sérieux, « mais, au nom du ciel, pas de son esprit, je me passerais fort d’avoir une femme aussi spirituelle. Vous faites probablement allusion au mauvais calembour qu’elle a fait sur mon frère Palamède, ajoutait-il sachant fort bien que la princesse et le reste de la famille ignoraient encore ce calembour et enchanté de faire valoir sa femme. D’abord je trouve indigne d’une personne qui a dit quelquefois, je le reconnais, d’assez jolies choses, de faire de mauvais calembours, mais surtout sur mon frère qui est très susceptible, et si cela doit avoir pour résultat de me fâcher avec lui, c’est vraiment bien la peine. »
— Mais nous ne savons pas ! Un calembour d’Oriane ? Cela doit être délicieux. Oh ! dites-le.
— Mais non, mais non, reprenait le duc encore boudeur quoique plus souriant, je suis ravi que vous ne l’ayez pas appris. Sérieusement j’aime beaucoup mon frère.
— Écoutez, Basin, disait la duchesse dont le moment de donner la réplique à son mari était venu, je ne sais pourquoi vous dites que cela peut fâcher Palamède, vous savez très bien le contraire. Il est beaucoup trop intelligent pour se froisser de cette plaisanterie stupide qui n’a quoi que ce soit de désobligeant. Vous allez faire croire que j’ai dit une méchanceté, j’ai tout simplement répondu quelque chose de pas drôle, mais c’est vous qui y donnez de l’importance par votre indignation. Je ne vous comprends pas.
— Vous nous intriguez horriblement, de quoi s’agit-il ?
— Oh ! évidemment de rien de grave ! s’écriait M. de Guermantes. Vous avez peut-être entendu dire que mon frère voulait donner Brézé, le château de sa femme, à sa sœur Marsantes.
— Oui, mais on nous a dit qu’elle ne le désirait pas, qu’elle n’aimait pas le pays où il est, que le climat ne lui convenait pas.
— Eh bien, justement quelqu’un disait tout cela à ma femme et que si mon frère donnait ce château à notre sœur, ce n’était pas pour lui faire plaisir, mais pour la taquiner. C’est qu’il est si taquin, Charlus, disait cette personne. Or, vous savez que Brézé, c’est royal, cela peut valoir plusieurs millions, c’est une ancienne terre du roi, il y a là une des plus belles forêts de France. Il y a beaucoup de gens qui voudraient qu’on leur fît des taquineries de ce genre. Aussi en entendant ce mot de taquin appliqué à Charlus parce qu’il donnait un si beau château, Oriane n’a pu s’empêcher de s’écrier, involontairement, je dois le confesser, elle n’y a pas mis de méchanceté, car c’est venu vite comme l’éclair, « Taquin... taquin... Alors c’est Taquin le Superbe ! » Vous comprenez, ajoutait en reprenant son ton bourru et non sans avoir jeté un regard circulaire pour juger de l’esprit de sa femme,le duc qui était d’ailleurs assez sceptique quant à la connaissance que Mme d’Épinay avait de l’histoire ancienne, vous comprenez, c’est à cause de Tarquin le Superbe, le roi de Rome ; c’est stupide, c’est un mauvais jeu de mots, indigne d’Oriane. Et puis moi qui suis plus circonspect que ma femme, si j’ai moins d’esprit, je pense aux suites, si le malheur veut qu’on répète cela à mon frère, ce sera toute une histoire. D’autant plus, ajouta-t-il, que comme justement Palamède est très hautain, très haut et aussi très pointilleux, très enclin aux commérages, même en dehors de la question du château, il faut reconnaître que Taquin le Superbe lui convient assez bien. C’est ce qui sauve les mots de Madame, c’est que même quand elle veut s’abaisser à de vulgaires à peu près, elle reste spirituelle malgré tout et elle peint assez bien les gens. Ainsi grâce, une fois, à Taquin le Superbe, une autre fois à un autre mot, ces visites du duc et de la duchesse à leur famille renouvelaient la provision des récits, et l’émoi qu’elles avaient causé durait bien longtemps après le départ de la femme d’esprit et de son imprésario. On se régalait d’abord, avec les privilégiés qui avaient été de la fête (les personnes qui étaient restées là), des mots qu’Oriane avait dits. »

vendredi 16 novembre 2012

Prendre le large

Je lis beaucoup, trop sans doute, c'est un travers que j'ai, de la notice explicative au mode d'emploi, et même les textes sur les boîtes de céréales, travers -- condition ? qui porte bien un nom, les experts en semblables matières puisent chez les Grecs une onomastique fort imaginative, mais je l'oublie, ou l'ai-je déjà su ? Bref, lu ce texte également, à la dernière page du livre d'André Major, Prendre le large :
« Ce livre a été imprimé sur du papier 100% postconsommation
traité sans chlore, certifié ÉcoLogo
et fabriqué dans une usine fonctionnant au biogaz. »
C'est un peu court, et socialement douteux, en voici une version revisitée :
«... par des salariés et salariées syndiqué(e)s
qui résident dans une coopérative d'habitation coiffée d'un toit vert
agréée par ÉquiMonde et Flore Haridelle en personne,
où les eaux de pluie sont recyclées et les déchets organiques compostés,
ne se déplaçant qu'en transport communautaire,
adeptes du slowfood biologique et majoritairement végétaliens ou végétariens,
pratiquant le commerce équitable et strictement local,
vêtus d'habits composés exclusivement de fibres naturelles,
chaussés en toute saison de sabots, de crocs ou de berkinstock,
ne consommant aucun produits testés sur les animaux
et pratiquant la tolérance religieuse et politique (même pour la Caque) et une sexualité inclusive. »

lundi 12 novembre 2012

Lisant L'herbe des nuits

Je termine la lecture de L'herbe des nuits de Patrick Modiano.

Il y est question d'un carnet de notes noir. J'en utilise un depuis des années maintenant. Surtout depuis que j'emprunte à la bibliothèque l'essentiel des livres que je lis, ne pouvant plus les annoter directement, ou y adjoindre des becquets. Et, tout informatique que je puisse être, je n'aime guère interrompre ma lecture, même celle d'un e-book, pour consigner mes notes à l'ordinateur.

On y consigne tel détail dont on souhaite se souvenir, mais rarement le fait dont on croit pouvoir se souvenir directement, celui qu'on juge suffisamment important pour le confier directement à la mémoire et que, forcément, on oubliera. Avec le temps, mois ou années, les notes ne nous disent plus rien, pour peu qu'on puisse encore en déchiffrer le texte -- toujours au clavier, j'écris très mal à la main. Ces carnets, ce n'est pas tant notre mémoire qu'ils alimentent, mais notre imagination.

Les carnets : nos rêves de papier.

lundi 5 novembre 2012

Les Militants du Tea Party ne jouent pas seuls au bowling - La Vie des idées

Les Militants du Tea Party ne jouent pas seuls au bowling - La Vie des idées

Depuis le printemps 2009 et la tenue des premières Tea Parties, le monde politique américain doit compter avec le Tea Party, nouvelle force conservatrice. À travers trois comptes rendus de lecture, cet article propose de revenir sur les racines historiques et politiques d’un mouvement social profondément enraciné dans l’espace américain et ses pratiques militantes.

samedi 3 novembre 2012

Citation

« Il n'y a plus rien à enjoliver, dans une société et dans un monde où tout est constamment enjolivé de la manière la plus répugnante. »

Thomas Bernhardt, Le neveu de Wittgenstein

jeudi 1 novembre 2012

Coma/Guyotat/Chéreau à Montréal

Au TNM, adaptation du livre Coma de Pierre GUYOTAT, avec Patrice CHÉREAU, mise en scène de Thierry Thieu Niang.

Présentation :
« Jadis, enfant, lorsque l'Été résonne et sent et palpite de partout, mon corps en même temps que mon moi commence de s'y circonscrire et donc de le former : le "bonheur" de vivre, d'éprouver, de prévoir déjà, le démembre, tout de ce corps éclate, les neurones vont vers ce qui les sollicite, les zones de sensation se détachent presque en blocs qui se posent aux quatre coins du paysage, aux quatre coins de la Création.

Ou bien, c'est la fusion avec le monde, ma disparition dans tout ce qui me touche, que je vois, et dans tout ce que je ne vois pas encore. Sans doute ne puis-je alors supporter de n'être qu'un seul moi devant tous ces autres moi et d'être immobile dans cet espace où l'on saute, s'élance, s'envole...
 

Plutôt mourir (comme peut "mourir" un enfant) que de ne pas être multiple, voire multiple jusqu'à l'infini. Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu'on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c'est moi... si ce pouvait être moi  ! » 

Récit lumineux d'une crise artistique et spirituelle et de ses prémices dans l'enfance du narrateur, Coma nous entraîne jusqu'aux confins de l'au-delà et nous fait entrevoir une nouvelle naissance. La confiance dans le monde, fondement de l'acte poétique et de l'acte de vivre, enchante ce récit initiatique, qui éclaire l'œuvre faite et à venir de Pierre Guyotat. »